mardi, mars 05, 2024

Lc 4, 24-27. Jésus dans la synagogue de Nazareth.

 Lundi 3° semaine de Carême. Jésus à Nazareth, Lc 4, 24-27

 

 

Quand j'ai vu ce texte, enfin nous n'avons qu'un tout petit morceau de cette péricope  (Lc 4, 16-30)  qui suit les tentations, j'ai pensé que cette troisième semaine de carême serait sous le signe du conflit, de la non compréhension, du rejet. Mais l'évangile de mardi, le débiteur impitoyable, est loin d'aller dans ce sens.

 

En ce qui concerne ce texte, mais bien entendu de la péricope complète, Raphaël Cornu Thénard - qui en parlait dans le MOOC du Campus des Bernardins consacré à l'évangélisation - faisait remarquer que chez Luc, la première évangélisation est un échec total, puisque Jésus n'est pas entendu et échappe de peu à la mort, ce qui aurait été la fin avant même que quoi que ce soit puisse commencer. Ce qui est sûr c'est que, devant ce mauvais accueil, il n'a même pas le temps de leur laisser la poussière collée à ses sandales. 

 

Il m'a toujours semblé que ce qui se passe là est comme une vision prophétique de ce qui se passera à Jérusalem, ou Jésus sera aussi conduit hors des murs de la ville, pour être mis à mort. 

 

Comme souvent j'ai du mal à ne lire que les versets proposés. Insister sur le fait que des prophètes aussi célèbres qu'Elie et Elisée ont réalisé des miracles ou des guérisons dans peuples considérés comme des peuples païens, ne me paraît pas suffisant pour "démontrer" que nul n'est prophète dans son pays. 

 

Elie, qui a provoqué la famine en Israël, a de bonnes raisons de fuir, et si c'est une femme veuve du pays de Sidon (le pays d'où est originaire la reine Jézabel), c'est parce que Dieu l'a prévu.  Ne dit-il pas à Elie: 1R17, 9: Lève-toi, va à Sarepta, dans le pays de Sidon ; tu y habiteras ; il y a là une veuve que j’ai chargée de te nourrir. »

 

Quant à Elisée, c'est parce qu'il apprend que le roi a déchiré ses vêtements lorsque Naaman lui a donné la lettre du Roi d'Aram, qu'il prend les choses en mains: 2R5,8 Quand Élisée, l’homme de Dieu, apprit que le roi d’Israël avait déchiré ses vêtements, il lui fit dire : « Pourquoi as-tu déchiré tes vêtements ? Que cet homme vienne à moi, et il saura qu’il y a un prophète en Israël. »

 

Est-ce que cela est suffisant pour mettre en rage les habitants de Nazareth qui sont à la synagogue ce jour là? Permettez moi d'en douter. Que le malin ait fait son œuvre de division et de mort, certainement. Jésus est un véritable danger pour lui, alors il faut tout faire pour l'empêcher de nuire. 

 

En pensant à tout cela, et à cette lutte sans merci, j'ai comme entendu Jésus raconter cette visite à Nazareth, mais en la raccordant avec ce que lui a vécu avant, à savoir son baptême dans le Jourdain, et les tentations, quelque part dans le désert. 

 

En relisant le chapitre 3, qui raconte la prédication de Jean le Baptiseur et le fait que ce dernier a été enfermé par Hérode, Lc 3, 19-20    19, Hérode, qui était au pouvoir en Galilée, avait reçu des reproches de Jean au sujet d’Hérodiade, la femme de son frère, et au sujet de tous les méfaits qu’il avait commis.20 À tout cela il ajouta encore ceci : il fit enfermer Jean dans une prison, je me suis demandée qui avait baptisé Jésus. Mais comme tous les évangélistes parlent de Jean, j'ai pensé que l'historien Luc a fait ici une sorte de raccourci pour montrer la perversité d'Hérode.


Enfin, je précise que le texte présenté ici suit uniquement l'évangile de Luc. Si Jésus, à Capharnaüm, va chez Simon Pierre, il n'y a pas eu de rencontre, l'appel des premiers disciples n'a lieu que postérieurement. 

 


Jésus raconte...

 

 

Je ne suis pas né à Nazareth, et cela un bon nombre des habitants de mon village le savent; mais c'est mon village, c'est là que je vis, c'est là que j'ai appris à travailler le bois avec mon papa. Certains pensent aussi que Joseph n'est pas mon père, mais ils ne peuvent pas comprendre; cela viendra en son temps. 

 

L'année où je suis allé pour la première fois à Jérusalem, j'ai fait quelque chose qui m'a valu beaucoup de désaccords, et on m'a regardé comme si j'étais un peu fou, un peu bizarre. C'était ma première Pâque en dehors de chez moi, et le temps de la Pâque à Jérusalem ne m'avait pas suffi. J'avais soif de plus. 


J'avais vu enfin le Temple, le lieu Saint, J'avais touché les pierres, je m'étais imprégné de toutes ces odeurs d'encens, mais aussi des odeurs des animaux immolés. 


J'avais vu tous ces scribes, tous ces rabbis qui en enseignaient, qui expliquaient les paroles et je voulais les entendre. Je voulais comme me remplir de ces mots, comprendre encore mieux, pour être comme gorgé de la parole, pour la garder en moi, pour en vivre. Et je n'étais pas rentré avec mes parents. Il leur avait fallu trois jours pour me retrouver, et bien entendu, cela avait fait du bruit dans le village. Puis ça c'était calmé et la vie avait repris, la vie de tous les jours.

 

Jean, le fils d'Elisabeth et de Zacharie, a commencé à parler de conversion, de changer de vie, parce que le royaume de Dieu était tout proche. Je savais bien qu'il parlait de moi, mais ce n'était pas encore mon temps. Je savais que mon Père me dirait quand ce serait mon heure. 

 

Et ce fut mon heure. Ma mère m'a laissé partir, elle savait bien que le temps était venu.

 

Jean n'avait pas encore été mis en prison.  Nous étions nombreux à attendre d'être plongés dans ces eaux qui autrefois avaient purifié le Général Naaman de sa lèpre, ce fleuve qui un jour avait arrêté de couler pour que le peuple puisse le traverser à pieds secs, comme il avait jadis pu traversé la mer des roseaux, qui s'était fendue en deux pour les laisser passer. Un jour ce sera le rideau du Temple qui se fendra en deux. 

 

Il y avait une telle foi, chez tous ceux qui étaient là, que cela me touchait infiniment, et je me sentais rempli d'amour pour eux tous. 

 

Je dois dire que je n'ai rien ressenti en remontant de l'eau, mais brutalement quelque chose s'est passé. 


J'ai vu les cieux qui s'ouvraient, ces cieux dont nous désirons tous tellement qu'ils s'ouvrent et que le Très Haut apparaisse comme il avait apparu autre fois à Moïse, ou à Elie. Et en moi, j'ai entendu une voix qui me disait que j'étais le Fils bien-aimé du Très Haut, de celui qui est mon Père depuis toujours et dès avant les siècles, qu'il trouvait en moi toute sa joie. Et la joie en moi était immense, elle ne pouvait être contenue. Je savais que désormais l'Esprit était en moi, sur moi, que l'onction me transformait à chaque instant, à chaque seconde, que j'étais celui que le Père attendait, celui qui serait le Messie, le nouveau libérateur. 

 

Je n'avais qu'un désir: retourner à Nazareth pour leur raconter; mais l'Esprit en avait décidé autrement, et j'ai été poussé à partir dans le désert, dans ce lieu sans habitations, dans ce lieu de solitude; mais aussi lieu où se trouvent parfois ces colombes qui demandent à se réfugier au désert quand l'angoisse est trop forte. C'est écrit dans un psaume qui parle de celui qui demande à Dieu d'écouter sa prière, qui voudrait avoir les ailes de la colombe pour chercher un asile au désert, un lieu sûr (Ps 55,7). 


Seulement pour moi, ce ne fut pas un lieu de calme. Il y a eu les premiers jours, il a fallu que mon corps s'habitue, que mes yeux s'habituent, que la faim me taraude un peu moins, mais au fil du temps, j'ai eu des visions, et ce n'était pas la rencontre avec mon Père, cette rencontre avec la brise légère, que j'aurais imaginée, non ce fut un combat. 

 

J'avais faim, et une petite voix me disait que puisque j'étais le fils de Dieu, je pouvais commander aux pierres de se transformer en pain. Oui je pouvais le faire, mais faire cela, c'était comme combler un vide, vide que seules les paroles de mon père peuvent combler. Et j'ai chassé cette vision. C'est comme si, la voix me disait que je pouvais faire tomber la manne, que je pouvais faire comme Dieu, mais c'est bien cela la tentation, être comme; devenir Dieu, prendre sa place, Et ça, à Dieu ne plaise, comme le dira une petite jeune fille bien des siècles après moi. 

 

Après, je me suis vu transporté sur une très très haute montagne; en fait c'était plutôt comme si j'étais dans le ciel, et je voyais toute la terre devant moi. Et la même voix me disait que si je le voulais je pouvais devenir comme le roi de tous ces royaumes, que cela me serait donné par cette voix qui disait qu'elle les possédait, qu'il me fallait juste me prosterner devant lui. Alors là, malgré ma fatigue, mon sang n'a fait qu'un tour. N'est-ce pas les toutes premières paroles  données à notre Père Moïse, de ne jamais nous prosterner devant un autre Dieu que notre Dieu? 

 

Qui est-il celui-là qui veut me pousser en enfreindre ce que mon Père demande? Je lui ai dit qu'il était écrit que c'est devant Dieu seul que je prosternai et lui rendrai un culte. 

 

J'espérai qu'il allait partir, mais il est revenu à la charge et pourtant je ne discutais pas avec lui. J'avais l'impression qu'il me testait, qu'il n'était pas très sûr que j'étais l'envoyé, le Fils. Je me suis alors retrouvé au Temple de Jérusalem, à l'endroit où il est le plus élevé, où il domine la vallée du Cédron. Il a mis en moi l'idée de me jeter en bas. Est-ce qu'il voulait que je me tue?

 

Peut-être que finalement ça l'aurait bien arrangé. Un jour il essaiera de me noyer, moi et mes disciples dans le lac de Tibériade, parce que je devenais une menace pour lui et pour ses compagnons qui s'emparent de la volonté des hommes et les rendent malades. 

 

 Non ce n'était pas cela, il voulait que je m'appuie sur la parole qui dit que Dieu donnerait à ses anges l'ordre de ma garder et qu'ils me porteraient dans leurs mains pour que mon pied ne heurte pas les pierres. Bien sûr que le très Haut a dit cela, ou a mis cela dans la bouche du Roi David, et c'était malin de sa part de se servir de ces mots là, mais je ne suis pas David, et il voulait que moi, l'Unique, je fasse comme avait fait mon après la sortie d'Égypte, tenter et tenter le Très Haut, douter de lui en permanence. Et cela c'est bien le travail du Diable, du diviseur, du tentateur. Je lui ai dit que notre Loi nous dit de ne pas mettre à l'épreuve le Seigneur notre Dieu. 

 

Là, le calme est revenu en moi après la tempête. Je me sentais bien. Il m'avait enfin quitté; mais je sais bien que ce n'est que pour un temps, et qu'il ne renoncera pas. 

 

Je voulais alors retourner à Nazareth, pour leur raconter, pour les bénir, pour les guérir. Je me suis mis en route, et en chemin, avec la Puissance de l'Esprit qui était en moi, j'enseignais dans les synagogues et je parlais de conversion, mais surtout du royaume qui était là. 

 

Quand je suis arrivé à Nazareth, bien entendu je suis allé voir ma mère. Elle m'a fait un tas de bons petits plats, parce que malgré tout, ce séjour au désert m'avait perdre pas mal de poids. 

 

Le jour du Shabbat nous sommes allés à la synagogue, pour retrouver aussi mes cousins.

 

Mais comment raconter ce que j'avais vécu, comme leur faire comprendre que j'étais devenu autre, que j'avais changé? 

 

Mon Père a résolu le problème, en me faisant présenter le livre d'Isaïe, et ces paroles: l'Esprit du Seigneur est sur moi, il m'a consacré par l'onction, il m'a envoyé pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres; annoncer aux captifs la délivrance, aux aveugles qu'ils retrouveront la vue; et remettre en liberté les opprimés. Et j'ai ajouté que cela s'accomplissait aujourd'hui devant eux.

 

Quand j'ai commencé à parler, beaucoup m'écoutaient avec attention. Ils ont commencé à se demander ce qui m'était arrivé pour que je puisse parler ainsi, et le doute est venu. Ils ne me reconnaissaient plus. Ils ne pouvaient pas comprendre que le fils de leur charpentier avait, comme David jadis, reçu l'onction qui avait permis qu'il devienne le messie, le Roi. Et ils me prenaient pour un fou, pour un illuminé. Enfin ils refusaient de m'écouter. 

 

Je suis sûr que le diable était là en personne, pour que le doute soit aussi fort. Je leur ai alors fait remarquer que tout le monde savait que personne n'est prophète en son pays. Et je leur ai parlé du prophète Élie, ce prophète qui avait permis qu'après sa fuite une veuve du pays de Sarepta, ne manque jamais de farine et d'huile, tant que durerait la famille, et qui surtout avait redonné vie à son fils en invoquant le nom du Seigneur. Et je leur ai parlé du prophète Elisée qui avait guéri Naaman de sa lèpre, alors que les lépreux ne manquaient pas en Israël et que ce dernier, avait reconnu que le Dieu d'Israël était le seul vrai Dieu. 

 

Et le diable a soufflé en eux encore plus fort. Il voulait se servir d'eux pour me tuer. Ils se sont emparés de moi, ils m'ont poussé en dehors de la ville, comme un jour je serais conduit hors des murs de Jérusalem; et ils voulaient me précipiter sur les rochers pour que je me casse les os. Mais mon père a fait tomber sur eux cette berlue qui avait permis que les troupes envoyées par les araméens se trompent de route, et j'ai pu passer au milieu d'eux et continuer mon chemin. 

 

Mon chemin m'a alors conduit à Capharnaüm, et le combat contre le diable a continué. Mais mon père m'a donné des hommes qui se sont attachés à moi et qui apprendront que le règne de Dieu est là. Mais je sais bien qu'un jour à Jérusalem des hommes me pousseront hors des murs et que c'est là que je donnerai ma vie. 



 

Annexe. 


Travail sur le texte. 

 

24 Dans la synagogue de Nazareth, Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays.

 

25 En vérité, je vous le dis : Au temps du prophète Élie, lorsque pendant trois ans et demi le ciel retint la pluie, et qu’une grande famine se produisit sur toute la terre, il y avait beaucoup de veuves en Israël ;

26 pourtant Élie ne fut envoyé vers aucune d’entre elles, mais bien dans la ville de Sarepta, au pays de Sidon, chez une veuve étrangère.

 

Je pense que si Elie fut envoyé à Sarepta, (ce n'est peut-être pas neutre que ce soit le pays d'origine de la reine Jézabel), c'était quand même pour sauver sa peau. Trois ans de famine, en quelque sorte à cause de lui, il valait mieux prendre la fuite, et que le Seigneur prenne soin de son prophète et le maintienne en vie.

 

Et le Seigneur est reconnu dans ce pays païen. Peut-être faut-il faire un lien avec ce qui se passera pour la guérison de la fille de la syro-phénicienne. 

 

27 Au temps du prophète Élisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël ; et aucun d’eux n’a été purifié, mais bien Naaman le Syrien. »

 

Là encore la guérison permet à un pays païen de reconnaître la puissance du Dieu d'Israël. les lépreux venaient-ils voir ce prophète qui était quand même un personnage qui pouvait inspirer une certaine crainte. 

 

Le message de Jésus, sera universel. C'est peut-être ce qui se dit là. Si vous ne voulez pas de moi, j'irai voir ailleurs et les lépreux et les affamés viendront à moi. 

 

28 À ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. 

29 Ils se levèrentpoussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas. 

 

Beaucoup de verbes d'action, qui s'expliquent par cette furie qui s'empare d'eux; 

 

30 Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin.

Cela évoque ce que Jean rapporte lors des conflits de Jésus à Jérusalem où plus d'une fois, il échappe à ceux qui veulent porter la main sur lui, voire même le lapider;

Mais c'est un verset qui m'a toujours fait rêver; on a l'impression qu'ils sont d'un coup comme endormis, et que Jésus doit continuer son chemin; comme un jour il prendra résolument la route de Jérusalem.

 

mardi, février 13, 2024

Marc, 3, 20-21. 32-35

 

Marc chapitre 3. Jésus et sa famille.

 

 

Introduction à cette réflexion.

 

J’avais envie de travailler sur la rencontre entre Jésus et sa famille à la fin du chapitre 3. Or il m’a paru évident que pour comprendre quelque chose, il faut revenir en arrière. Revenir en arrière, cela peut aller jusqu'au premier chapitre, qui commence par "Commencement de l'évangile de Jésus, Christ, fils de Dieu". Je ne sais pas s'il y a des virgules en grec, mais là il y en a. Et il me semble que le but de cet écrit est de nous amener petit à petit, nous, les lecteurs, à voir en cet homme le Christ (celui qui est reçu l'onction, le messie), et bien plus que cela: car l'onction, d'autres que lui l'ont reçue. Se laisser conduire, en cheminant avec lui dans l'histoire de celui qui est le fils de Dieu, ce qui veut dire que Dieu est désormais parmi nous. 

 

Le chapitre 3 est un chapitre où les conflits commencent déjà à s'exaspérer, et où le destin de Jésus semble bien compromis et bien noir.

 

De fait, ce que je voulais, c’est dire que la rencontre de Jésus avec sa mère et ses frères n’est pas une gentille démarche. Les gens de Nazareth commencent à avoir peur pour leur peau. Jésus, que les pharisiens et les partisans d’Hérode cherchent à faire périr, devient un danger. Alors il faut le récupérer pour l’enfermer dans son village, le boucler. Et à mon avis c’est la première démarche, avec le prétexte très curieux qu'il "perd la tête", qui semble avoir pour appui le fait qu’on ne prend pas le temps de manger dans la maison où Jésus se trouve et guérit ceux qui viennent à lui. 

 

Cette démarche ayant échoué, on lui envoie sa mère et ses frères; si Jésus est un bon juif, il se doit d’honorer sa mère, donc de la suivre pour rentrer gentiment sans faire d’histoires à la maison. Il faut impérativement qu’il sorte pour qu’on puisse l’attraper. Et c’est pour cela que je parle de piège. Ce n’est pas que Jésus n’aime pas sa famille, mais s’il veut continuer sa mission, celle donnée par son père, il ne doit pas se faire arrêter (au sens de mettre en prison) maintenant. 

 

Je voulais donc me centrer sur ces versets, mais comme je l'ai mentionné, il m’a semblé nécessaire de reprendre ce qui se passe au chapitre 2, pour essayer d’y voir plus clair dans la démarche de Marc qui est bien de nous conduire, nous les lecteurs, à nous poser des questions sur « qui est cet homme ». 

 

 Ce qui est finalement assez frappant, c’est que dans les premiers chapitres on ne sait pas du tout ce que Jésus enseigne aux foules qui viennent l’écouter. Au chapitre 4, on aura la parabole maîtresse, celle de la parole qui a du mal à trouver le bon terrain, puis suivent d’autres paraboles pour faire comprendre ce qu’est le règne de Dieu. Or ces paraboles sont loin d’être évidentes, on sait juste que ça commence tout petit. Mais avant, Marc nous dit simplement que la bonne nouvelle proclamée est la suivante: «Les temps sont accomplis, le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez en la bonne nouvelle». Donc se convertir, c'est-à-dire changer, et croire que Dieu est là, en cet homme qui donne en abondance.

 

On est donc dans l’aujourd’hui de Dieu, un Dieu qui se rend présent en régnant dans le cœur de tout homme. «Si vous croyez à ce qui vous est annoncé, aujourd’hui, par moi, Jésus de Nazareth, changez de vie ». Sauf que ce n’est pas si simple.

 

Chapitre précédent: le chapitre 2

 

Dès le début de ce chapitre les prises de bec ou prises de tête, avec ceux qui savent, se multiplient.  Il y a la guérison de l’homme paralysé, dont les péchés sont pardonnés, ce que Dieu seul peut faire; et surtout un jour de Sabbat. Dire à l’homme de retourner chez lui en portant sa civière, c’est ce qui sera reproché au paralytique de la piscine de Bethesda à Jérusalem dans l’évangile de Jean. Alors deux fautes, et non des moindres, du moins quand on veut ne pas voir.

 

Ensuite c’est l’appel de Lévi, cet homme dont on ne connaît que le patronyme, et Jésus qui prend son repas au milieu de ceux que les "gens bien" considèrent comme de pécheurs. Jésus se situe, lui qui fait des guérisons que les médecins sont incapables de faire, comme le médecin, médecin des ceux qui savent qu’ils sont malades. Ce qui est étonnant c’est que Jésus terminera cette séquence en disant qu’il est venu appeler des pécheurs. Or si les pharisiens se considèrent comme des justes, ce n’est pas parmi eux que Jésus recrutera ses disciples. 

 

Peut-être plus que se sentir malade, il y a la question du rejet, de la non reconnaissance. Cela peut d’ailleurs provoquer des maladies. Mais là, Jésus peut intervenir, parce qu’il y a reconnaissance de ses failles, au moins autant que de son péché. 

 

C'est là qu'est posée la question des disciples de Jésus, qui eux semblent avoir un comportement différent des autres écoles de disciples - disciples des pharisiens et disciples de Jean le baptiste. Dans le présent, ils ne jeunent pas, puisque l’époux est là, ce que les pharisiens ne peuvent accepter.; pour les disciples de Jean, c’est plus étonnant, mais cela montrerait que seuls certains ont reconnu en Jésus, le messie attendu (cf Jn: l’appel de Nathanaël). Puis suit l’affirmation de Jésus que pour écouter son message, il ne faut pas être sclérosé, il faut des gens neufs. Des gens adaptés à cet enseignement peut-être pas si nouveau que cela, mais renouvelé. 

 

Suit ensuite l'épisode des épis arrachés, avec toujours le contresens fait par les pharisiens: certes cette prescription a un sens, ou a eu un sens, mais si la vie est en danger, alors c’est la vie qu’il faut protéger, et cela, c’est bien l’enseignement de Jésus. Il est venu pour que les hommes aient la vie et l’aient en abondance. Se proclamer maître du Sabbat, c’est bien affirmer son identité divine, et là, cela devient insupportable. 

 

Donc le conflit enfle et c’est ce qu’on trouve durant tout ce chapitre 3, où les habitants de Nazareth, puis la famille, commencent à avoir peur. Si Jésus continue comme ça, il va être arrêté comme Jean a été arrêté, et cela peut retomber sur tout le village. Alors il vaut mieux le récupérer, l’enfermer, le garder à l’abri et surtout le museler. 

 

Le chapitre 3. Les pièges.

 

Cela commence par la guérison de l’homme à la main sèche ou atrophiée, et cela ressemble tout à fait à un piège; et des pièges il y en aura de plus en plus. Guérison qui se passe un jour de shabbat; mais Jésus ne touche pas, il parle. La main est redevenue saine, et la colère est tellement forte que la mort se profile. Les pharisiens se réunissent avec les disciples d’Hérode pour trouver un moyen de l’éliminer. Si guérir et sauver sont un seul vocable, pourquoi est-ce que ce serait interdit le jour du repos. Cela donne enfin le repos à celui qui est porteur de cette infirmité. Est-ce que tendre sa main est une transgression? Quand on y pense, ce légalisme paraît fou et mortifère. Qui est fou? Jésus ou les autres?

 

Dans cette première séquence, le silence des accusateurs est là. Quand Jésus demande s’il est permis le jour du sabbat de faire le bien ou de faire le mal, de laisser vivre ou de laisser mourir, le silence répond;  et cela rend Jésus à la fois triste et en colère. 

 

Ce silence, on le retrouvera aussi dans l'évangile de Jean, quand les pharisiens lui demandent par quelle autorité il fait ceci ou cela, et qu’il leur pose une question sur Jean le baptiste. Bien souvent ils ne répondent pas, ce qui ne veut pas dire que la colère, elle, ne bout pas en eux.

 

Sa réponse à ce silence, ce sera d’une part un changement de lieu, Jésus se retire (et il sait que ce n’est pas son heure), et il va au bord de la mer. Marc parle d’une barque, mais on ne voit pas trop à quoi elle sert, puisque les gens ont besoin de le toucher ou de l’entendre. Ce qui doit être impressionnant ce sont ces hommes ou ces femmes possédés qui affirment que Jésus est le Fils de Dieu, peut-être en hurlant. Et pourtant faut-il hurler pour affirmer cela? Jésus n'est-il qu'un simple guérisseur, un simple thaumaturge, plus doué que les autres? 

 

Je peux imaginer qu’après des heures et des heures passées à guérir, Jésus comprenne qu’il a besoin d’aide et ce sera le choix des douze, choix très solennel, puisqu’un peu à l’image de Moïse, Jésus gravit le Montagne. Ces douze se doivent d’annoncer la bonne nouvelle et d'expulser les démons, ce qui montre bien que la lutte contre le mal est le souci de Jésus.

 

Sauf que certes il y a les douze, mais que font-ils ? L’impression est qu’ils restent dans le sillage de Jésus. En fait ce ne sera qu'au chapitre 6, où nous trouvons entre autres la première multiplication des pains, qu'ils seront envoyés en mission, avec pour mission première d'expulser les démons, ce qui montre bien combien ce duel est omniprésent dans cet évangile; et reste le combat numéro un, encore de nos jours.

 

Mais là, si le bouche à oreille fonctionne, plusieurs nouvelles remontent à Nazareth. Le fils du charpentier fait des siennes. Il s’est mis à dos les pharisiens et les hérodiens,  il a des disciples en quantité et il en a même choisi douze (et pas un seul de chez eux), ce que les autres groupes n’ont pas fait. Il devient dangereux. Mais il faut savoir où il est, parce qu’il bouge beaucoup. 

 

Ils savent enfin où Jésus se trouve, et là, c’est un peu le comble. Il a une telle audience, que manger devient impossible. Comme si les gens n’avaient plus faim, comme si Jésus leur donnait quelque chose que personne n’avait donné avant. Alors il faut se saisir de lui, dire qu’il est fou, l’enfermer. Mais ça ne marche pas. Jésus ne bouge pas et à mon avis, dépités ils retournent à Nazareth en obligeant Marie, la mère, et les proches de lui intimer l’ordre de rentrer ; Il doit honorer son père et sa mère, s’il ne le fait pas, il est à condamner. Mais le temps que cela se fasse, ce sont les scribes venus de Jérusalem qui prennent le relais. 

Ce qui est étonnant, c’est la douceur de Jésus. Il les appelle auprès de lui (ce qu’il ne fera pas avec sa famille), il leur montre que leur raisonnement est stupide, faux, et il affirme que lui, il est l’homme fort. Pour faire ce qu’il fait il ne peut être à la botte du chef des démons. Mais malgré sa douceur, il y a cette profonde tristesse qui fait que Jésus parle alors de ce péché qui ne peut être pardonné, ce péché d’aveuglement, ce péché qui transforme la vie en mort, qui se ferme, qui se coupe au don de Dieu.

 

Et le chapitre se termine sur cet autre piège: faire sortir Jésus de cette foule qui en quelque sorte le protège, pour l’enfermer. Et c’est la bonne nouvelle: non seulement Jésus s’est choisi des hommes pour faire le bien pour lui, mais tous ceux qui font la volonté de Dieu, volonté que lui Jésus explique et montre par sa manière d’être, ceux-là, sont sa famille. Que la famille biologique, comme on le dit maintenant, en ait eu lourd sur la patate (pas Marie, parce qu’à mon avis on lui a forcé la main), ou surtout qu’elle soit en colère, c’est évident, mais c’est la bonne nouvelle pour nous aujourd’hui. Jésus est venu pour appeler auprès de lui des pécheurs, et ce sont ceux-là, qui parce qu’ils sont prêts à accueillir le vin nouveau, qui se font rafistoler, et sont frères, sœurs et mère de cet homme qui commande aux démons, qui guérit sans rien demander en retour, et qui se donne.

 

 

Un habitant de Nazareth raconte

 

Notre village n’est pas loin de la ville grecque de Sephora, et comme beaucoup d’entre nous y vont pour chercher du travail, nous n’avons pas bonne réputation. Alors nous nous tenons calmes, nous nous faisons oublier. Entre les Romains et Hérode, qui vient de faire emprisonner Jean, le nouveau prophète qui appelait à la conversion et proposait un baptême dans le Jourdain, parce qu’il avait osé, à juste titre, lui reprocher de vivre avec la femme se son frère Philippe, il y a de quoi être inquiet. Pourtant Jean fait ce que tout prophète doit faire (voir  Ez 2, 20). 

 

Il y a un homme de chez nous, le fils de Joseph le charpentier, Jésus, qui est parti voir Jean lui aussi. Mais depuis, ce n’est plus le même homme. Il se prend pour le messie, il a même des disciples, des pêcheurs, un publicain, et plein d’autres qui ne valent pas mieux; et surtout il se met à dos les pharisiens et les partisans d’Hérode . Or, Hérode, on sait de quoi a été capable son père, et on sait de quoi il est capable quand on s'oppose à lui; alors nous voudrions bien que Jésus arrête de faire le malin, qu'il arrête de faire du tapage, qu'il arrête ses guérisons, ses expulsions de démons, bref qu'il la ferme et qu'il se calme. 

 

De plus, on ne sait jamais très bien où il se trouve, et quand on parle d'une ville ou d'un village, quand on y va, lui n'y est plus. Heureusement que souvent il est à Capharnaüm dans la maison d'un pécheur du coin. Ce qui complique aussi les choses, c'est qu'il n'est pas souvent seul. Maintenant, il paraît qu'il a non seulement des disciples, mais que parmi eux, il en a choisi douze, qui sont un peu ses gardes du corps. Enfin moi, c'est l'impression que j'ai. 

 

Bref, nous lui avons envoyé quelques-uns de chez nous, pour se saisir de lui, parce que nous pensions qu'il avait vraiment perdu la tête, et qu'il devenait un danger pour nous. Seulement là où il était il y avait du monde, du monde à un tel point d'ailleurs que personne ne prenait le temps de manger, ce qui montre bien sa folie; nous n'avons pas pu l'approcher et nous sommes revenus bredouilles. Si nous voulons le prendre, il faut qu'il soit seul, qu'il vienne à notre rencontre. Mais il nous a ignorés. Alors nous avons pensé que si nous lui envoyions sa mère et ses frères, il ne pourrait pas refuser de les suivre. Après tout, lui qui se targue de connaître si bien la Loi, il sait qu'il doit honorer son père et sa mère. 

 

Mais, là encore, les choses ne sont pas passées comme nous le voulions. Marie et les proches sont bien arrivés à leur maison, ils n'ont pas pu entrer; mais cela c'est ce que nous voulions, pour que Jésus sorte et que l'on puisse mettre la main sur lui. Ils lui ont fait dire qu'ils étaient dehors et qu'ils voulaient lui parler. 

 

Jésus n'a pas bougé, il est resté là où il était, c'est ce qu'on nous a raconté. Il a regardé ceux qui étaient assis autour de lui, tout autour de lui, en disant: qui sont ma mère, qui sont mes frères? Et comme personne ne disait mot il a ajouté, en les regardant: voici ma mère et voici mes frères. Celui qui fait la volonté de mon père, celui-là est pour moi, un frère , une sœur, une mère. 

 

Quand Marie a entendu cela, elle a paraît-il souri; les autres par contre n'étaient pas contents du tout, car ils avaient échoué comme ceux qui avaient été envoyés avant eux. Peut-être qu'un jour il viendra à Nazareth, on verra alors s'il y a moyen de le capturer. 


Mais j'en doute un peu, parce que je commence à penser que ce Jésus, notre Jésus, qui parle de Dieu comme étant son père, il est bien plus que ce que nous pensons et imaginons. Espérons quand même que nous n'aurons pas d'ennuis à cause de lui. Et puis à mon avis, s'il y en a bien une qui fait la volonté de Dieu et la met en pratique, c'est bien la maman de Jésus. 

dimanche, février 11, 2024

Marc 1, 40-45: la guérison d'un lépreux.

 Mc 1, 40-45

 

J'ai déjà parlé de cet évangile dans le billet précédent. Il s'agit de la guérison d'un lépreux, et cela tout au début de l'évangile de Marc. 

 

Or, en lisant le commentaire proposé par "regards protestants", une fois de plus je suis amenée à me poser des questions sur les traductions qui nous sont proposées et dont nous sommes tributaires quand on ne connaît pas les langues anciennes, le latin et surtout le grec, puisque c'est dans cette langue que les évangiles ont été rédigés.

 

Le Pasteur Antoine Nouïs insiste sur le fait que, dans certains manuscrits, Jésus n'a pas du tout un regard de compassion vis-à-vis du lépreux qui est quand même un trouble-fête, mais un regard irrité, je pourrais presque dire rempli de colère. 

 

Or ce regard, qui pourrait être rempli de colère, n'empêche pas la tristesse, la compassion. Là je fais référence à ce qui se passe au début du chapitre 3, quand Jésus est confronté au silence des pharisiens, qui veulent pouvoir le condamner parce qu'il va oser opérer une guérison le jour du Sabbat. Marc nous dit que Jésus promène sur eux un regard de colère, navré de l'endurcissement de leur cœur. Or il est très possible que ce soit ce qui se passe. D'un côté Jésus a le cœur ému devant cet homme qui pour le moment a tout perdu, qui est un exclu, et est considéré comme un pécheur, puisque la lèpre est associée au péché dans la Bible, mais aussi qu'il y ait de la colère en lui, parce que cet homme, malgré tout, n'aurait pas dû être là. 

 

Cette interprétation permettant de mieux comprendre ou entendre ce qui se passe ensuite, et qui selon les traductions est plus ou moins violent. La traduction liturgique se contente de dire que Jésus le renvoie avec fermeté, ce qui est très doux à côté de ce que l'on trouve, soit dans la BJ - "en le rudoyant, il le renvoya aussitôt", soit dans TOB - "s'irritant contre lui, Jésus le renvoya aussitôt. On est quand même loin de "renvoyer avec fermeté". 

 

 

J'avais proposé en 2017 un texte où je laissais parler le lépreux, et de son incompréhension devant ce qui semble être un renvoi violent alors qu'il vient d'être guéri:
https://giboulee.blogspot.com/2017/01/la-purification-du-lepreux-en-marc-1-40.html . 

 

Je me demande aujourd'hui s'il n'y a pas moyen de laisser Jésus, et un témoin de cette courte scène,  rapporter ce qu'ils ont vécu ce jour-là.

 

 En fait Jésus sait que si l'homme proclame ce qui vient d'être fait pour lui, s'il insiste sur le fait que Jésus ne s'est pas contenté de lui parler mais de le toucher, lui, ne pourra plus entrer dans les villes, il partagera l'exclusion vécue depuis un certain nombre de mois ou d'années par cet homme et sera obligé de suspendre sa première évangélisation de la Galilée. 

 

Pour l'analyse du texte, je renvoie au billet précédent: https://giboulee.blogspot.com/2024/02/marc-1-29-39-mc-1-40-45-cinquieme-et.html

 

Jésus raconte

 

Mon Père m'a demandé de ne pas rester à Capharnaüm, mais de parcourir la Galilée pour annoncer les temps nouveaux, les temps du renouvellement. Et j'ai alors proclamé la bonne nouvelle dans les villes, les bourgs et les villages. J'en ai guéri des malades, j'en ai expulsé des esprits impurs. Ces esprits, je devais les faire taire, car certes eux savent qui je suis, mais même ceux que j'ai appelés à me suivre ne le  savent pas, et ils devront le découvrir et l'accepter au fil des jours. 

 

Et voilà, que se présente à moi un homme qui s'agenouille devant moi, et qui me supplie. Et c'est en le regardant que je vois que c'est un lépreux. Mais comment a-t-il pu s'approcher de moi, alors qu'il sait que c'est interdit? Je dois dire qu'à la fois j'étais rempli de compassion pour lui, mais aussi très en colère, très irrité, parce qu'il n'aurait pas dû être là. 

 

Et en plus il me mettait au défi en me disant que si je le voulais, je pouvais le purifier de sa lèpre. Bien sûr que je le peux, mais est ce que je le veux? Mais qu'est-ce qu'il fait là, à mes pieds. Vraiment il ne devrait pas être là. Je n'aime pas qu'on me force la main, qu'on m'oblige. Bien entendu, je lui ai dit que je voulais cela pour lui, que je voulais qu'il soit purifié. 

 

Ce qui s'est passé ensuite est étonnant, car cet homme, ce lépreux dont je ne voyais pas le visage, j'ai tendu la main vers lui, mais ma main ne s'est pas arrêtée, elle l'a touchée, comme elle avait touché la belle-mère de Simon, comme elle a touché tous ces malades que j'ai guéri. Et j'ai senti, en moi, que la lèpre partait, et que sa peau redevenait saine. 

 

Seulement, il me faisait horreur cet homme. Pourquoi n'était-il pas resté loin de moi? Pourquoi m'avait-il en quelque sorte mis au défi? Alors une certaine colère m'a pris, je ne voulais plus le voir. Je lui ai dit de foutre le camp, le plus vite possible, que je ne voulais plus jamais le voir, et qu'il aille se montrer aux prêtres pour être déclaré guéri. Mais surtout qu'il se taise, qu'il disparaisse. 

 

Il y a autre chose aussi, c'est que la lèpre, ce n'est pas qu'une maladie, c'est ce que fait le mal dans l'homme. Myriam a été couverte de lèpre en punition de sa calomnie; le roi Ozias est devenu lépreux car il s'estimait plus grands que les prêtres, en voulant offrir des parfums à l'éternel (2Ch 26). Et moi, je me suis vu couvert de ce mal, à la place de cet homme. Je suis, comme l'a dit Jean, l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde; mais pour l'enlever il faut que je le porte, et cette impureté est horrible, car elle touche aussi bien le dedans que le dehors.

 

Hélas il n'a pas obéi, il s'est mis à proclamer partout que je l'avais purifié et surtout que je l'avais touché. Maintenant c'est moi qui suis considéré comme un paria, comme un lépreux et je ne peux plus entrer dans les villes, je ne peux plus annoncer la Parole. Il me faut, moi, me soumettre à la loi, car là c'est la loi de Moïse. Mais ce n'est que pour un temps, et bien que je fuie les villes, beaucoup continuent à venir à moi, car la vie est plus forte que la mort et la mort sera vaincue. J'ai hâte de retrouver Capharnaüm et la maison de Simon.

 

Simon Pierre raconte.

 

Mais d'où est ce qu'il est sorti celui-là? Comment un lépreux a-t-il eu le culot de s'approcher de mon maître, et de le supplier de le rendre pur?  Il n'aurait pas dû être là; mais bon au fond de moi je peux comprendre: il a une maladie qui ne se soigne pas, il est répugnant aux yeux de tous et en plus, il a dû quitter da famille et habiter comme les rats dans un trou puant. Ce n'est pas une vie.

 

Ce qui est étonnant, c'est que j'ai eu l'impression qu'il défiait un peu le Maître, qui lui a répondu qu'il pouvait lui rendre sa pureté.  Mais Jésus ne s'est pas contenté de menacer la lèpre, et j'ai eu du mal à croire ce que je voyais, car il a d'abord tendu la main vers l'homme, et ensuite il l'a touché. Vous vous rendez compte, il a touché cet homme que personne ne doit toucher. Je sais que ma belle-mère m'a raconté combien le contact de la main de Jésus sur elle avait été fort et bienfaisant. Mais pourquoi le toucher? Il est un peu fou mon maître! 

 

Après je n'ai pas trop compris, parce que Jésus n'est jamais comme ça avec les personnes qu'il guérit. Il l'a carrément chassé en lui disant de s'en aller, et de n'en parler à personne; d'aller faire constater sa guérison par les prêtres. Et croyez-moi, ce n'était pas dit comme un conseil, mais comme un ordre. Je ne dis pas que Jésus lui hurlait dessus, mais ce n'était pas loin, presque comme si l'homme avait été possédé par un démon.

 

 Seulement ce con là, il n'a pas obéi, il s'est mis à proclamer que Jésus l'avait purifié, et du coup Jésus a été exclu à son tour. Nous qui avions vu, nous n'aurions jamais raconté que Jésus l'avait touché, mais lui, il a fallu qu'il raconte ça à tout le monde. Je lui en veux beaucoup, quel dommage que Jésus n'ait pas refusé de le purifier, on aurait eu la paix. 

  

lundi, février 05, 2024

Marc 1, 29-39. Mc 1, 40-45. Cinquième et sixième dimanche du temps ordinaire.Janvier/ Février 2024

DIMANCHE DU 5° DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE. Mc 1, 29-39

 

Pas simple de revenir au premier chapitre quand on en est au chapitre 6 de l'évangile de Marc durant la semaine. 


Donc là, c'est la fin du premier chapitre. Si on relit rapideent ce qui est rapporté, on découvre l'intention de l'évangéliste: parler d'un homme, nommé Jésus, qui est celui qui a reçu l'onction (et cela est confirmé au cours de ce même chapitre), et qui est le fils de Dieu, ce qui nous reste à découvrir, à nous les lecteurs. 

 

Nous apprenons donc que Jésus a été baptisé par Jean le Baptiste, qui nous a été décrit comme un successeur du prophète Elie, qu'il a été poussé par l'Esprit (poussé c'est quand même très fort, presque violent: pas le choix, il faut y aller) pour commencer ce grand combat contre les forces du mal, pour peut-être revenir au début de la Genèse, avec un serpent vainqueur, mais qui doit un jour être battu). 

 

C'est ensuite l'appel de ces hommes dont le métier est la pêche, et qui quittent tout pour le suivre. Ils voient ensuite Jésus à l'œuvre dans la synagogue de Capharnaüm, et le combat continue entre Jésus et cet esprit impur qui dit savoir qui est Jésus, et qui est contraint de quitter le corps de son "porteur". 

 

L'évangile de Marc est un évangile très vivant, émaillé par des "aussitôt" qui pour moi en font le charme; et même si les enseignements de Jésus ne sont pas rapportés, contrairement à l'évangile de Matthieu, au travers des actes posés on commence à percevoir qui est ce Jésus de Nazareth. 

 

Le texte de ce cinquième dimanche rapporte donc la guérison de la belle-mère de Pierre, guérison que l'on peut rapprocher de la résurrection de la fille de Jaïre: Jésus la prend par la main (ou saisit), et en quelque sorte lève la personne couchée et la remet dans la vie. Cela ayant lieu durant le jour du Sabbat, et dans la sphère du privé, personne ne dit quoi que ce soit. On peut penser à la joie et à la reconnaissance.

 

Ce n'est que le soir tombé que les habitants de Capharnaüm, qui ont pour certains assisté à l'expulsion spectaculaire de l'esprit impur, se rendent dans cette maison pour demander des guérisons. Jésus est alors comme un super-thaumaturge, presque un magicien. 

 

Mais au bout d'un certain temps, Jésus sort, ne reste pas enfermé dans la maison et va ailleurs pour prier. Il est certain que nous aimerions savoir en quoi consistait cette prière, mais peut-être que c'est là que Jésus comprend qu'il n'est pas la propriété des habitants de Capharnaüm, que son ministère doit s'étendre à toute la Galilée, avec ce que cela peut comporter des risques, puisque Jean qui s'opposait à la conduite du roi Hérode avait été emprisonné. Et c'est le premier départ, avec une double mission, proclamer la bonne nouvelle (plus tard Marc explicitera ce qu'est le règne de Dieu), et expulser les démons, ce qui montre l'intensité du combat. 

Si on garde en tête l'intensité de ce combat, on comprendra peut-être mieux ce qui se passera quand Jésus décidera de quitter la Galilée pour aller dans la Décapole, territoire non juif où les esprits mauvais règnent en maître. 


La fin du chapitre sera consacrée à la guérison d'un lépreux, maladie honnie, mais qui n'a rien à voir avec la lèpre telle que nous la connaissons. Il s'agit de maladies de la peau, quelques soient ces maladies. Autrefois les rois de France, avaient de par leur onction, le pouvoir de guérir les "écrouelles", maladie de la peau. 

 

Travail rapide sur le texte.

 

29 En ce temps-là, aussitôt sortis de la synagogue de Capharnaüm, Jésus et ses disciples allèrent, avec Jacques et Jean, dans la maison de Simon et d’André.

30 Or, la belle-mère de Simon était au lit, elle avait de la fièvre. Aussitôt, on parla à Jésus de la malade.

31 Jésus s’approcha, la saisit par la main et la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait.

 

 

Je reprends à mon compte les explications données par le pasteur Louis Nouïs dans "Regards protestants". J'ai toujours pensé que cette fièvre n'était pas fortuite. Ne dit-on pas "se faire un sang d'encre" quand on a des soucis. Or cette femme dont on ne sait pas très bien si elle est la mère de la femme de Simon, ou la femme du père de Simon, père dont on ne sait rien contrairement à la famille Zébédée, peut être très en colère contre ce Jésus qui détourne Simon de son métier et qui ne pourra plus subvenir aux besoins de sa famille. On peu dire que ce manque de confiance est très certainement comme une manifestation d'un esprit malin, un esprit qui conduit à la mort. 

 

Quand Jésus la saisit par la main, il l'arrache à cet esprit mortifère, il la met debout, il la "résurectionne", si je puis dire. Et la fièvre part, comme les esprits mauvais quittent ceux qui les portent. Quand on a vécu en soi quelque chose de cet ordre, servir devient impératif. Ce n'est pas de la reconnaissance, c'est de l'amour. 

 

32 Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous ceux qui étaient atteints d’un mal ou possédés par des démons.

33 La ville entière se pressait à la porte.

34 Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies, et il expulsa beaucoup de démons ; il empêchait les démons de parler, parce qu’ils savaient, eux, qui il était.

 

Le soir étant venu, donc le Sabbat étant terminé, la vie reprend, et il est possible de se déplacer, des faire plus de mille pas. Ce qui est beau, c'est que certains prennent sur eux de conduire ceux qui sont malades ou possédés. Ils sont conduits par ceux qui croient que Jésus a autorité et pouvoir. L'autorité, Jésus la possède puisqu'il (pardon pour l'expression) "ferme la gueule" des esprits qui veulent révéler, certes la vérité sur qui il est, mais dans le but de lui faire du tort, car le temps n'est pas venu.

 

35 Le lendemain, Jésus se leva, bien avant l’aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert, et là il priait.

 

Jésus aurait pu prendre un repos bien mérité, car ce fut une longue journée, mais non, il se lève, peut-être mu par l'esprit qui est en lui, qui est agissant et qui le pousse à sortir, à aller ailleurs, loin des habitations et il se tourne vers Dieu. 

 

36 Simon et ceux qui étaient avec lui partirent à sa recherche.

37 Ils le trouvent et lui disent : « Tout le monde te cherche. »

38 Jésus leur dit : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti. »

39 Et il parcourut toute la Galilée, proclamant l’Évangile dans leurs synagogues, et expulsant les démons.


On peut imaginer la tête de Simon au réveil. Il a disparu (comme au matin de Pâques). On ne met pas la main sur Jésus. Mais la poule aux œufs d'or a disparu, il faut la retrouver, la ramener à la maison, lui faire comprendre qu'il y a encore beaucoup de choses à faire dans cette ville. Mais Jésus ne se laisse pas faire, il part, et peu importe s'il est suivi ou pas. Il lui faut proclamer qu'il faut se convertir, que les temps sont accomplis que le royaume de Dieu est proche, et poser des actes qui permettent aux auditeurs de croire.

 

Sixième dimanche du temps ordinaire. Mc 1, 40-45.


40 En ce temps-là, un lépreux vint auprès de Jésus ; il le supplia et, tombant à ses genoux, lui dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier. »

41Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. »

42 À l’instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié.

 

On ne sait pas où Jésus se trouve, mais il n'est pas à Capharnaüm. Normalement les lépreux doivent être confinés en dehors des villes et des villages, mais celui-là, manifestement, risque le tout pour le tout. Il ne reste pas à distance, il vient auprès de Jésus nous dit le texte. Et cela peut avoir une importance pour nous, si pécheurs que nous soyons, nous pouvons nous approcher de lui et lui parler, lui demander qu'il nous sauve de ce qui nous rend pollué. 

 

Jésus n'a aucun dégoût, mais de la compassion, et non seulement il étend la main, mais il va jusqu'à toucher le malade, ce qui du point de vue légal, le rend lépreux. Il est bien évident que ce n'est pas ce qui se passe, Jésus rend pur, mais ne devient pas impur pour autant. La maladie s'en va, comme la fièvre avait quitté la belle-mère de Simon. C'est comme un manteau usé, abimé qui tombe et sous le manteau, la peu est là, belle et nette. Mais on peut imaginer la réaction de ceux qui assistent à la scène: il a touché un lépreux, que va-t-il lui arriver?

 

43 Avec fermeté, Jésus le renvoya aussitôt

44en lui disant : « Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre, et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit dans la Loi : cela sera pour les gens un témoignage. »

 

Ce qui se passe ensuite est un peu compliqué. En tous les cas, Jésus ne veut pas que cet homme reste auprès de lui. Il lui demande d'accomplir ce qui est prescrit pas la loi, et qui ratifie la purification qui lui a été donnée. Comme souvent la question de pose de savoir si la purification concerne juste la maladie ou si elle va plus loin, car bien souvent la lèpre extérieure peut renvoyer à une lèpre intérieure, par exemple certaines addictions. 

 

45 Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait à l’écart, dans des endroits déserts. De partout cependant on venait à lui.

 

Certes l'homme s'en va, mais, et je le comprends, il ne peut faire silence, il ne peut taire ce qui vient de lui arriver; d'ailleurs ceux qui le connaissent voient bien qu'il est guéri. Peut-être que Jésus nous dit quelque chose: aujourd'hui je t'ai guéri, mais cette guérison, n'en parle pas partout, ne la crie pas sur les toits; fais d'abord le silence en toi. Va voir quelqu'un en qui tu as confiance, dis-lui ce qui t'est arrivé, et trouve avec lui le chemin qui est désormais le tien.  

  

En entendant le texte du cinquième dimanche, j'imaginais la tête de Simon quand il voit que Jésus n'est plus là. Je dois dire que cela évoquait un peu pour moi l'évangile de Luc, quand Jésus fausse compagnie à ses parents pour rester à Jérusalem, et s'occuper des affaires de son Père. Il me semble que pour moi, c'est la même démarche. Jésus a besoin de savoir ce qui est attendu de lui: rester sur place ou proclamer dans toute la Galilée. Mais pour Simon, c'est autre chose. Peut-être qu'il aime être le centre du monde avec la foule qui vient chez lui, peut-être qu'il veut que ça dure, parce que peut-être les gens guéris apportent quelque chose, mais surtout il y a l'inquiétude. Où est-il, que lui est-il arrivé, et cette inquiétude- là, elle est comme un prélude à ce qui se passera au moment de la résurrection. 

 

Alors c'est Simon qui raconte, mais comme j'aime le faire maintenant, en reprenant ce que l'évangéliste raconte avant de faire le récit de ce qu'on appelle "la journée de Jésus".

 

Simon Pierre raconte

 

Et bien non ça ne se fait pas. Ça ne se fait pas de disparaître en pleine nuit, sans rien dire. Nous nous sommes inquiétés et nous avons mis un temps énorme pour le retrouver. Il nous a juste dit qu'il avait eu besoin de trouver une certaine quiétude, comme si chez nous, il n'était pas au calme. Nous lui avions laissé notre chambre pour lui tout seul, il avait tout ce qu'il faut. Qu'il ait été épuisé, cela c'est évident. 

 

Quelle journée que la journée d'hier! Je vous raconte. 

 

Hier c'était le jour du Sabbat, ce jour où nous réunissons à la synagogue. Jésus était là. 

 

Jésus, il faut que je vous parle de lui, pour que vous puissiez comprendre. Mon frère André qui avait passé un peu de temps auprès du prophète qui baptise dans les eaux du Jourdain le connaissait de vue. Il s'était fait baptiser comme beaucoup d'entre nous, mais après il avait disparu.

 

 Un jour il nous dira qu'il avait été poussé par l'Esprit saint pour aller dans le désert et pour combattre le malin, mais cela, il nous le dira bien plus tard. Bref André le connaissait de vue.

 

 Nous étions sur le point de jeter les filets quand une voix, sa voix, a retenti. Il nous regardait, mais jamais personne ne nous avait regardé comme cela, et il nous disait de le suivre. Et bien croyez-moi ou pas, mais nous avons ramené la barque au bord, nous avons laissé les filets tels quels - et pour des pêcheurs les filets c'est sacré - et nous sommes allés vers lui. Puis nous sommes passés devant la barque de Jaques et Jean les fils de Zébédée. Eux, ils étaient rentrés de la pêche et ils pliaient les filets. Et eux aussi il les a appelés, et eux aussi ont tout laissé en plan et sont venus nous rejoindre. Nous étions tous les cinq, un peu comme les doigts de la main. Il est venu chez moi et j'ai un peu appris à l'aimer, cet homme. 

 

Le jour du sabbat est arrivé. Nous sommes allés à la synagogue et là, je dois dire que j'ai eu une des plus belles peurs de ma vie. Au début c'était parfait. Comme cela se fait, le chef de la synagogue a donné la parole à Jésus, et il a enseigné avec autorité, et cela nous changeait agréablement des scribes, qui ne font que répéter des enseignements qu'ils ont entendu mais qu'ils ne comprennent pas bien. Lui c'était différent, il parlait, expliquait et c'était vivant. 

 

Et tout à coup, un homme s'est dressé et s'est mis à hurler sur Jésus. Il lui disait de le laisser tranquille, et il affirmait que Jésus, ce Jésus qui est Nazareth était le fils de Dieu. Jésus l'a fusillé du regard, lui a dit de se taire, et de sortir, de quitter l'homme qui était devenu son hôte. Mais cela s'est mal passé, parce que l'homme a été pris de convulsions, il tremblait de la tête aux pieds, et il hurlait. Et c'est cela qui m'a fait peur .Je n'avais jamais vu quelqu'un dans cet état. Le calme est revenu, l'ancien possédé s'est relevé et il est rentré chez lui, sans demander son reste, ce qui n'est pas bien. Pourquoi n'a-t-il pas remercié?  Pourquoi n'a-t-il pas rend grâce? Toujours est-il que, malgré tout, la rumeur s'est vite répandue dans la ville. 

 

Nous sommes allés chez moi. Ma belle-mère était malade, avec une forte fièvre. Je me suis demandé si elle n'était malade à cause de moi, parce que j'avais laissé le bateau en plan. Je l'ai dit à Jésus qui est allé vers elle, qui l'a saisie par la main, l'a aidée à se lever, à se mettre debout. Et là, il s'est passé quelque chose. Je n'ai pas reconnu ma belle-mère; pour une fois, elle avait l'air heureuse, elle avait l'air adoucie, elle était autre. Non seulement la fièvre était tombée, mais elle était transformée et elle s'est empressée de faire ce qu'il fallait pour bien recevoir Jésus.

 

Comme c'était le jour du Sabbat, la journée s'est déroulée dans le calme, mais dès que le soleil s'est couché, cela a été un défilé incessant des personnes qui conduisaient des parents ou des amis pour que Jésus les guérisse ou chasse les démons. Les démons, ils ne se laissaient pas faire si facilement et ils disaient tous la même chose que l'esprit impur de la synagogue: que Jésus était le fils de Dieu. Cela voulait dire que l'homme qui était là, au milieu de nous n'en n'était pas un. Cela voulait dire que le messie était enfin là. Peut-être, mais ce qui est sûr c'est que Jésus lui, voulait faire du bien, mais pas être comme une vedette; et il faisait taire ces démons.

 

Finalement tout le monde a eu ce qu'il voulait et nous sommes partis prendre du repos. Comme je l'ai dit, Jésus avait la meilleure chambre. Qu'est ce qui lui a pris de partir en pleine nuit? Nous étions tellement fatigués que nous n'avons rien entendu. Mais trouver la chambre vide, alors là, ça a été terrible, surtout qu'il n'est pas de Capharnaüm. Où était-il passé? 

 

On a fini par le retrouver. Mais à lui, c'est difficile de faire des reproches. Un jour, bien plus tard, j'ai essayé de lui dire qu'il n'avait pas le droit de mourir, et mal m'en a pris. Il m'a traité de Satan. On lui a dit que tout le monde le cherchait, ce qui était vrai. Mais ça ne lui a fait ni chaud ni froid. Il nous a rétorqué qu'il devait aller dans les villages voisins pour proclamer la bonne nouvelle. Et il est parti, et nous avons suivi, sans trop comprendre, mais la force qui est en lui es tellement forte, qu'on ne se pose pas de questions. Et puis, il faut bien être avec lui, pour le protéger. 

 

Comme il faisait beaucoup de bien là où passait, un lépreux a trouvé moyen de s'approcher de lui. Je me demande un peu comment il a fait. Il n'a pas du tout respecté la distance prescrite; il a dit à Jésus que, s'il le voulait, lui Jésus pouvait le guérir. Je reconnais que c'est un bel acte de foi. Jésus lui a dit qu'il le voulait, et moi j'ai vu la peau qui redevenait saine. J'en croyais à peine mes yeux. On aurait dit qu'un manteau en haillon était remplacé par un manteau tout neuf. Mes yeux ont vu cela. 

 

Jésus lui a dit d'aller se montrer aux prêtres, et donc d'offrir ce qui est prescrit quand on est guéri de la lèpre. Il disait que cela serait un témoignage, témoignage de la puissance de Dieu, témoignage de la présence active de Dieu. Seulement ce n'est pas ce qu'il a fait. Remarquez mettez-vous à sa place. Il était tellement heureux, il montrait ses mains toutes neuves. Malheureusement notre maître, il ne pouvait plus entrer dans les villes, parce qu'on pensait qu'il était devenu impur. Vous vous rendez compte? Lui, impur. Mais du coup, plein de gens venaient vers lui. 

 

Un peu de temps a passé, et nous sommes rentrés à Capharnaüm, à la maison.

  

samedi, février 03, 2024

Mc 6, 30-46.Jésus et ses disciples. Multiplication des pains.

Mc 6, 30-34. (35-46: multiplication des pains).

 

Comme tous les matins, c'est le travail sur l'évangile du jour, et donc celui de Marc. 

 

À ma grande joie, manque l’exécution de Jean le B qui est un peu en sandwich ici. Les disciples partent, Les douze partent deux par deux, ils font ce qui leur est demandé. On sait que la notoriété de Jésus se répand et on a la réaction d’Hérode, qui semble pouvoir concevoir qu’un homme décapité puisse revenir à la vie. C’est une réaction que je trouve très étonnante. Comment un homme qui a une culture grecque peut-il croire que Jean est revenu à la vie en la personne de Jésus, ce qui fait somme tout de ce dernier quelqu'un de très dangereux. 

 

Toujours le même questionnement pour moi.. . Pourquoi est si important de trouver le temps de manger? Est que qu'il y a quelque chose dans la Tora qui en parle? Mais cela fait deux -fois que l'on trouve cela. Une première fois, dans Marc 3, 20:Alors Jésus revient à la maison, où de nouveau la foule se rassemble, si bien qu’il n’était même pas possible de manger" et c'est à ce moment que les gens de Nazareth viennent pour le chercher. C'est juste après le choix des Douze.


Ici aussi, il y a cette impossibilité de se poser pour prendre un repas, mais cela va déboucher au final sur la multiplication des pains.


  

Petit travail sur le texte du jour

 

30 En ce temps-là, les Apôtres se réunirent auprès de Jésus, et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné.

31 Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger. 

 

Ils reviennentles leçons du rabbi ont porté leurs fruits. Il y a l'enseignement et les gestes qui montrent la véracité de ce qu'ils annoncent. Jésus est très attentif au bien-être. Il se rend compte que rester là, ce n'est pas possible (il faudrait que certains responsables aient le même regard sur ceux qui sont au service), et propose d'aller ailleurs. On a un peu l'impression que ça bouge, que ça s'agite dans tous les sens. 

 

Je n'avais pas repéré le fait que le mot apôtre est employé pour la première fois par Marc. Il fallait qu'ils soient envoyés, prennent leur autonomie, pour devenir apostolos.

 

32 Alors, ils partirent en barque pour un endroit désert, à l’écart. 

33 Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup comprirent leur intention. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux

 

Intéressant le comportement de la foule. Jésus, il s'en va. On ne va plus être guéri, mais on sait où il va, c'est certes un lieu désert, en ce sens qu'il n'y a pas de maisons, mais c'est un lieu où il y a une source pas loin un lieu au bord du lac. Et on peut y aller à pied. Alors en route, dépêchons-nous.

 

34 En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement.

 

Ils arrivent bien les premiers. Alors le lieu de repos, est déjà envahi. Jésus pourrait râler. Ceci dit, peut-être que les disciples eux, le font. Mais Jésus ne se laisse pas faire. Il entend la demande, il entend quelque chose qui ressemble à de la détresse. S'il te plait, enseigne-nous, dis-nous comment nous devons nous conduire, apprends-nous. Et il enseigne. Il prend à cœur son rôle de berger.


Après avoir fini de travailler sur ce texte, j'ai eu envie de le laisser raconter par un de ceux qui avait écouté Jésus à la maison et qui était parti à pied pour le retrouver; mais en arrivant à la fin de ce premier récit, il m'a paru nécessaire de rajouter le récit de cette première multiplication des pains.

 

Quelqu'un raconte

 

Il avait envoyé ceux qui sont toujours avec lui, les Douze, dans des villages pour préparer son passage. Ils devaient enseigner et expulser les démons. Moi, je n'aurais pas aimé être à leur place, parce qu'il leur a dit de partir avec juste un bâton et des sandales, pas tunique de rechange, pas d'argent et même rien à manger. Ils sont partis et lui, il est resté avec nous. En même temps, un bâton et des sandales, cela fait un peu penser à Moïse, qui a dû enlever ses sandales devant le buisson ardent, mais surtout qui avait ce bâton qui a fendu la mer en deux; enfin ça c'est bien beau; le bâton c'est bien pour écraser les vipères qui peuvent surgir n'importe où.  

 

Ils sont restés absents quelques jours, et ils sont revenus. A voir leur tête, on voyait bien qu'ils étaient épuisés mais heureux. Ils se sont précipités sur Jésus pour tout lui raconter. Ils ont eu du mal à arriver jusqu'à lui, parce que c'était un vrai défilé de personnes qui entraient, qui sortaient: elles voulaient le voir, le toucher, l'écouter; cela s'agitait beaucoup. Manger, se poser pour prendre un vrai repas, c'était impossible. 

 

Jésus, sans rien dire, est sorti avec eux. Ils ont rejoint la barque qui était là sur le rivage. On a bien compris qu'ils partaient vers cet endroit que nous connaissons bien, cet endroit au bord du lac, avec des grands eucalyptus, cet endroit où coule une source. C'est un lieu que nous aimons bien. Et nous nous sommes mis en route pour arriver avant eux. 

 

Il faut dire qu'ils ont pris leur temps pour arriver, à croire qu'ils voulaient profiter de ce temps de repos avec lui, dans la barque. Et cette fois, le lac était calme, le soleil brillait doucement, et le vent était doux. 

 

Nous, nous l'attendions de pied ferme, si je puis dire. 

 

Leur tête quand ils sont arrivés, c'était drôle. Mais je peux les comprendre. Quand je dis les comprendre, je parle de ceux qui étaient partis, et qui avaient dû trouver l'hospitalité dans différentes maisons. Ils avaient vraiment l'air très très contrariés. Jésus lui, c'était différent. Il avait un air un peu bizarre. A croire qu'il s'attendait à nous trouver là, nous qui étions un peu comme un grand troupeau de brebis, de brebis sans berger.

 

Il avait l'air un peu triste, mais aussi un peu heureux. Il me faisait penser à ces bergers qui rassemblent leur troupeau, qui en prennent soin, qui parlent aux brebis, qui mettent les agneaux contre leur cœur, qui leur parlent doucement et les caressent. Et il nous a parlé, et il nous a enseigné, enseigné. Nous étions tellement captivés que beaucoup d'entre nous, n'avons pas bougé, juste pour l'entendre.

 

Le soir arrivait. Les disciples qui à mon avis avaient quand même dû enfin se reposer un peu, se sont levés, du moins quelques-uns d'entre eux. Je suppose qu'ils ont dû demander à leur maître de nous dire de partir. Peut-être qu'ils voulaient enfin l'avoir pour eux tous seuls.

 

Je ne sais pas ce que Jésus leur a répondu, mais ils faisaient une drôle de tête. Ils sont passés parmi nous, pour savoir si certains avaient de quoi manger. Certains avaient un peu de pain et quelques poissons. Enfin cela je l'ai compris après. 

 

Jésus nous a fait asseoir, des groupes de cinquante ou cent personnes. A boire, on avait, puisque la source était là. Et là je ne sais pas ce qui s'est passé, nous avons vu Jésus prendre le pain, regarder vers le ciel, comme s'il parlait au Très Haut, bénir le peu de pains et de poissons que les gens lui avaient donné. Puis il a rompu les pains. Et là, croyez- le ou pas, mais du pain et du poisson il y en a eu pour tout le monde. 

 

Cela nous a quand même coupé le souffle; et nous avons pris ce que les disciples nous apportaient, dans un certain silence, je dirai une crainte sacrée. Qui est -il celui-là qui peut faire de telles choses pour autant de personnes?

 

Nous avons mangé; les disciples sont partis dans la barque, ce qui veut dire qu'ils ont obéi à un ordre de Jésus; et lui, il nous a bénis et nous a renvoyés. Les derniers qui sont partis l'ont vu monter dans la montagne pour prier. 

 

Je crois que cette journée-là, jamais je ne pourrai l'oublier. Serait-il comme Moïse, qui a fait pleuvoir la manne au peuple dans le désert? Ou serait-il bien plus que Moïse, car ce n'est pas Moïse qui a donné cette manne, mais bien notre Dieu? Qui est-il cet homme, cet homme que nous connaissons et que pourtant nous ne connaissons pas. Que le très haut soit béni pour nous avoir donné un tel homme!